Je me souviens d’une conférence donnée par un rabbin près d’Annecy sur le temps dans la foi des Juifs, conférence qu’il termina par un portrait de Jésus que je dirais d’une très belle humanité : un surdoué, issu d’une famille cultivée, bref, un homme charismatique et brillant. Je sursautai alors et soulignai la divinité de Jésus, Jésus homme et divin, car telle est ma conviction, sinon, à quoi tout ceci servirait-il ?
Si ne je peux pas proclamer au quotidien, comme Jeanne d’Arc, « Dieu premier servi », je ne peux pas appuyer mes décisions ou attitudes au seul charisme d’un homme uniquement de chair. Bien sûr tous mes choix de vie n’ont pas été faits après des nuits intenses de prière, je n’ai pas toujours demandé à Dieu de répondre à mes questions ou à m’indiquer la route à suivre. Mes carrefours furent nombreux, parfois décisifs, et souvent apparemment seulement humains. Je dirais « apparemment » car la prière a tout de même toujours été présente, sans doute parce que la jeune fille et jeune femme que j’ai été savait-elle au fond d’elle-même qu’une paix que je ne pouvais définir alors étaient non seulement nécessaire mais aussi la clé pour m’élever dans la compréhension de ma vie et des relations avec les autres…
Fille d’une maman protestante, j’ai toujours été consciente de l’humanité de l’église, donc de tout ce qui est faiblesse et beauté de ses membres. Mais l’Incarnation a toujours été là pour me rassurer et, éventuellement, me consoler car j’ai toujours profondément cru à la Rédemption incarnée, divine, chair et source de vie, même si ceci n’est pas très théologique. J’ai toujours été convaincue d’une vérité qui me dépassait, me dépasse, comme elle dépasse toute l’humanité, mais qu’il me faut la chercher parce que, justement, elle existe et nous entoure, nous caresse dans les mauvais jours, nous embrasse dans les beaux jours. Je me souviens d’avoir été absolument saisie un jour, par un texte de la littérature anglaise du Moyen Âge, texte que j’enseignais régulièrement qui s’intitule « Sur le Bois ». Ce qui m’a saisie, ce un jour-là, grâce aux remarques des étudiants, c’est la tristesse et la souffrance mêlées à la nécessité vitale de la mort. Le poète souligne la blessure indispensable sur le côté droit de Jésus. Une source de guérison et une ouverture d’un chemin de vérité pour moi.
De ma mère protestante j’avais déjà reçu la conviction de devoir me confier à Dieu en une tentative de sincérité, et cette confiance n’a fait que grandir, certes avec quelques hoquets toute ma vie, ce dont je suis profondément heureuse, même dans les moments difficiles. De mon éducation catholique de la famille de mon père, j’ai reçu la conviction de la nécessaire virginale beauté de Marie, femme divine -en quelque sorte. Je n’ai jamais douté, ou du-moins le crois-je, de sa maternité de tous les hommes. Oui, comme une mère confie au père les problèmes et joies des enfants de la famille, oui, Marie confie à Jésus, son enfant humain et divin, tout ce que nous lui confions. Cette confiance en Marie est liée et conséquence de la foi en Jésus mon Dieu, comme son Père est mon Dieu. D’eux viendra la réponse par l’Esprit Saint, bien que je ne sache pas toujours le discerner sur le moment, ou même que je ne m’en aperçoive pas.
En fait, j’ai compris ou pressenti l’action de l’Esprit Saint grâce à la lecture de Hans Urs von Balthazar… Il y a longtemps… Lecture conseillée par ces dominicains qui m’ont fait me saisir en Eglise, dans l’Eglise, et m’ont fait saisir cette réalité, cette conviction profonde qui me tient debout dans les peines personnelles, ou non. Oui, j’ai dû dire adieu à beaucoup d’aimés et amis, j’ai aussi accueilli, mais serais-je encore à l’écoute des autres sans cette foi profonde trinitaire que souligne Péguy : la
Foi, l’Espérance, la Charité ?
Je me souviens avoir donné une conférence sur Péguy au cours de laquelle j’ai compris comme dans un éblouissement, la force, et surtout l’existence profonde, essentielle, existentielle de l’Espérance. Péguy la montre donnant la main aux deux autres vertus, trois petites filles : je les vois toutes les trois qui marchent devant moi, mais l’Espérance me parait être la plus éblouissante des trois, d’un blanc de Transfiguration, et je la suis sur tous les chemins car elle entraîne vers le Soleil, Lumière que je ne peux concevoir que dans la Vérité de l’Amour de Dieu. Le Cœur de Dieu.
Que ma marche à moi ait une influence sur d’autres, qu’elle soit un témoignage, je n’en sais absolument rien, et n’y prête pas trop d’importance d’ailleurs, mais je fais Confiance en Dieu qui a reçu toutes nos peines et nos joies humaines par son fils Jésus pour que je vive dans l’Espérance de la Lumière, et j’accueille comme une grâce et un témoignage les remerciements de mon fils un après la mort de son papa pour l’avoir soutenu et consolé alors que nous avions plus de 5000 km entre nous…
Merci Seigneur, de m’accompagner dans la marche vers Votre Cœur : je tiens les mains de Foi et de Charité, accrochée à petite Espérance dansante à jamais en avant de moi… Humanité et eau vive sans cesse données par le Christ.