LE CINEMA ITALIEN SOUS LE FASCISME: SOUS LA CENSURE LA LIBERTE IMMORTELLE DE L’ART.

Le propos de cet exposé sur le cinéma en Italie dans la période troublée cependant structurée du fascisme est de mettre en valeur la vie constante de la création artistique, son dynamisme sous des formes imposées qui ne font que susciter, en réalité, la liberté impossible à contrôler de la pensée, de l’artiste en particulier. Afin de prouver cette approche, je considérerai les points suivants :

  1. L’état du cinéma avant le fascisme, et à ses débuts, autrement dit de la fin du 19ème siècle à, à peu près 1929 ou 1930.
  2. Le point de vue du fascisme sur le cinéma : son utilité possible pour un régime politique, dans le contexte particulier de l’Italie.
  3. La double vie de la création cinématographique (La legge fatta si trova l’inganno)
  4. Affaiblissement de la censure, triomphe de la liberté créative : le néoréalisme.
  1. Le cinéma avant le fascisme

L’invention du cinéma a eu tout de suite un grand succès en Italie et des salles fixes apparaissent à Rome, Naples, et Venise dès 1897. En 1899, Filoteo Alberini ouvre une salle réservée aux projections fixes et images animées à Florence, piazza Esedra, le Moderno qui fut l’un des premiers cinémas au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Le développement du nombre de salles en Italie est assez unique en Europe, même, sans doute, le plus rapide. C’est surprenant si l’on considère qu’il n’y a pas de production propre à part des vues d’actualité dites « dal vero ». Ces vues sont enregistrées et projetées. Certains de ces opérateurs feront carrière comme Luca Comerio et Vittorio Calcina. A part ces vues d’actualités, les spectateurs peuvent voir des films importés de l’étranger, surtout de France grâce à l’implantation conquérante de la maison Pathé fondée en 1896. En fait, ces films représentent la totalité des bandes de fiction en Italie.

Mais cette situation allait évoluer assez rapidement avec la création de la Cines (la première du nom) par Alberini qui s’associe avec Dante Santoni. Ils créent à eux deux la première société de production avec l’appui du Banco di Roma. L’aventure était lancée avec la première grande œuvre réalisée en Italie La Presa di Roma (1905) considéré comme l’ancêtre des films historiques italiens, genre promis à un grand succès sous le fascisme. De plus, c’est à partir de cette date, plus ou moins, que l’on considère qu’une industrie du cinéma se met en place en Italie. Jusqu’en 1920, cette industrie va connaître un développement intense qui va de pair, ou est, du moins lié avec, avec l’expansion économique du pays. Le succès de cette industrie est due aussi, du point de vue économique national, au fait que c’est une industrie dite légère, c’est-à-dire qui promet des gains rapides.

Cependant, on ne peut pas dire que cette industrie ait tout de suite couvert toute la production du pays en termes de films. En effet, deux structures cohabitent à ce moment-là : des structures artisanales et des structures industrielles soutenues par des groupes financiers et des banques. Par exemple, le Vatican a aussi des intérêts dans le cinéma par le Banco di Roma. Mais déjà on note deux pôles principaux, Turin et Rome, et d’autres pôles secondaires dans d’autres villes comme Naples. Le cinéma parlant, qui exige une technologie coûteuse, va sonner le glas de la production artisanale. Il faut ajouter aussi que la société de production comme la Cines fait venir des techniciens étrangers qui ont une expertise supérieure. Parmi eux, citons le Français Gaston Velle.

Le succès de la Cines est international : elle crée une succursale à NY en 1907, et distribue une 30taine de films en Italie et à l’étranger grâce à Carlo Rossi. En 1908, une autre société de production apparaît, l’Italia film. Enfin, notons que cette industrie attire toutes les classes argentées de l’Italie car en 1909, des aristocrates rachètent la société fondée par Luca Comerio. Tout ne se limite pas au nord : en 1913, se constitue la Napoli Film de Giuseppe Di Luggo. Bref, dans les années 1910, la puissance industrielle est réelle et se fonde sur un réseau intérieur de plusieurs centaines de salles et à d’importantes exportations de films. Il faut souligner que ce fait est dû aux genres déjà assez diversifiés des films italiens : documentaires, fiction, historique, récits contemporains tels que mélodrames, aventures, bandes comiques. Il va sans dire donc que le fascisme aura une assez large palette à faire couvrir par sa censure.

Mais l’élan positif de l’industrie allait être fortement ralenti par la Première guerre mondiale d’une part, et ses conséquences politiques et économiques d’autre part. Et le déclin est fort. C’est la fin d’un âge d’or.

La chute du nombre films per annum (de 400 à 144) n’est cependant pas dû exclusivement aux conditions précitées, mais aussi à une méconnaissance des goûts du public, goûts qui avaient évolués, et un certain désintéressement de l’Etat pour cet art. Ce déclin implique que beaucoup des meilleurs comédiens et techniciens partent à l’étranger où ils trouvent un climat artistique plus stimulant. Il est bon de noter qu’une de leurs destinations favorites est Berlin…

Tout ceci ne veut pas dire que tous les genres subissent le même sort : les films historiques ont toujours du succès car ils sont souvent réalisés à partir d’œuvres littéraires comme Quo Vadis ? (1904 – d’Annunzio et Jacoby). Genre qui ne pourra pas être complètement soit censuré soit utilisé par le nouveau régime qui s’installe en 1922. Mais ils devront s’adapter car dans les années 20 ces films sont violents et l’érotisme très présent. Ils ont une vision plutôt manichéenne du monde – à l’opposé des années 1910 dans lesquelles les films exprimaient une spiritualité intense. L’évolution du genre historique va vers un maniérisme grandissant, une efficacité spectaculaire qui servira ce que j’appelle une « contre – censure ». Mais c’est dans ces années 20 que le cinéma italien va montrer un courant qui restera « souterrain » pendant les années fascistes car il sera à contre – courant de l’idéologie artistique du régime.

Par exemple, un aspect authentique du cinéma italien est le régionalisme constitué majoritairement par la production napolitaine qui donne la « sceneggiata », mélodrame inspiré surtout des chansons à la mode. Parmi les créateurs de ce genre soulignons Elvira Notari qui, en filmant Naples et sa misère, prolonge le film naturaliste Assunta Spina et s’inscrit comme un jalon dans l’histoire du film italien. Notari offre la vision d’un peuple exploité, vision qui, cela va sans dire, sera étranglée -interdite- par le fascisme. Mais là aussi, en ce qui concerne le cinéma napolitain, les conditions économiques sonnent le glas. Ce glas sonne aussi suite à l’oubli des références culturelles du pays.

Cependant, là encore deux producteurs annoncent une renaissance sinon immédiate du moins certaine : Camerini avec Kiff Tebbi en 1928 et Blasetti avec Sole en 1929.

  1. Fascisme et cinéma :

Il est évident, dans les années 20 et celles qui vont suivre, du moins jusqu’à 1935, que ces années, bien que sous contrôle, constituent une période de recherches, d’interrogations, sur le rôle du cinéma et son mode de fonctionnement industriel, tant sur le point de vue économique que politique, mais aussi du point de vue philosophique.

En effet, cette double cassure dans la vie de l’art en Italie, les conditions de l’après-guerre et l’arrivée du fascisme au pouvoir en 1922, met à jour un espace, un interstice comparable à ce que Michel Foucault appelle, et surtout analyse dans la production littéraire et politique, une épistémè. Et c’est dans cet interstice, ce souffle, que va se préparer le cinéma en liberté, le néoréalisme. Mais ce sera un chemin difficile, se développant légèrement en-dessous de la grande route ensoleillée de la production cinématographique conforme aux directives du régime en place. Une route asphaltée par la censure et les ambiguïtés de l’aide de l’Etat pour soutenir le cinéma dont, après tout, il avait besoin pour asseoir sa légitimité.

Si j’appose « censure » et « ambiguïtés », c’est pour en souligner à la fois la force pour le premier terme, et les nuances apportées par les circonstances au premier pour le second. En effet, la censure n’a pas été appliquée de la même façon en Italie qu’en Allemagne par les nazis et par les Soviétiques en URSS. Dans les deux derniers cas, la censure était un interdit absolument rigoureux, unilatéral ou quasi, directement imposé par le groupe dominant sur la nation. Son complément était une propagande forte, claire tant linguistiquement que lexicalement, d’où son succès sur les foules. Mais cette politique s’adressait à des pays dont l’union nationale était faite depuis longtemps, au moins culturellement en ce qui concerne l’Allemagne. En Italie, le régime fasciste faisait face à des situations différentes : le pays était uni depuis peu à l’échelle de l’histoire, d’une part ; d’autre part, le régionalisme économique et culturel était encore très fort. Il fallait par conséquent un doigté particulier pour faire accepter par tout le pays un art cinématographique dirigé par l’Etat. Quelque part, je pourrais dire qu’il a fallu une certaine intelligence de la part du fascisme pour contrôler la production cinématographique. Mais cette intelligence a été à l’origine de la résurgence d’une production libérée de ce contrôle, et bien sûr la complicité de l’histoire avec la Deuxième guerre mondiale.

Il est vrai que le régime n’a pas saisi tout de suite, dès son arrivée au pouvoir, les possibilités que pourrait avoir la communication par le film sur la population. Le fascisme a d’abord été intéressé par la presse écrite. Mais quand le régime comprend l’importance que pourrait avoir le cinéma en tant que véhicule d’idéologie, le documentaire et l’actualité sont ses seuls pôles d’intérêt. Le film de fiction est rapidement soumis à la censure, (décret-loi de septembre 1923) et, par conséquent, se trouve un peu abandonné à lui-même. Mais il ne faut pas penser non plus que les documentaires et actualités soient libres, surtout pas au sens où nous l’entendons aujourd’hui. En effet, le régime a rapidement mis en place un cadre pour ces productions, dès le lendemain de la Première guerre mondiale.

Dès après la guerre de 1915-1918, une association privée avait été créée afin de faire du cinéma un outil d’éducation populaire. En 1924, cette association prend le nom de LUCE (union pour la cinématographie éducative) qui est rapidement captée par l’Etat qui complète ses objectifs par le décret-loi du 5 novembre 1925 en la nationalisant : « Institut national LUCE pour la propagande et la culture au moyen de la cinématographie. »  Par ce décret-loi, le passage des films de la LUCE, maintenant outil de propagande, devait se faire dans toutes les salles du royaume. De plus, quand la LUCE crée des actualités (à partir de 1927), les autres journaux d’actualité disparaissent au bénéfice du Cinegiornale LUCE diffusé sur tous les écrans du pays. Enfin, il faut souligner qu’à ce moment-là la LUCE est directement attachée à la présidence du Conseil.

Il est clair que la LUCE devient alors une espèce de service apte à affronter tous les domaines dans lesquels pourra se révéler utile, pour le régime fasciste, l’emploi du cinéma et de la photographie. Donc, cet organisme est fait pour diffuser la culture populaire et l’instruction générale au moyen de projections et ce dans un but de propagande nationale en Italie et à l’étranger. Le documentaire reste donc un élément important dans ces diffusions qui ont deux aspects : les actualités et l’enseignement par les sujets documentaires.

On doit ici souligner que les actualités sont alors conçues comme propagande au service du régime, et les documentaires prolongeaient et complétaient aussi l’effort de propagande en soulignant les réussites des entreprises fascistes. Le long métrage n’a pas tout de suite séduit les politiques qui se sont contentés, pour un temps, de vérifier l’innocuité politiques des œuvres projetées. Il a fallu attendre Camicia nera (1932) pour avoir un long métrage sous la forme d’un documentaire romancé exaltant l’œuvre du fascisme en suivant l’existence d’une famille de paysans pauvres qui voit son niveau de vie augmenté par la bonification des Marais Pontins. Ceci, bien sûr, grâce à Mussolini. Mais le problème sans doute typiquement italien si l’on se réfère aux deux autres dictatures -l’Allemagne et l’URSS- est double : d’une part l’attitude des industriels ou autres capitalistes, d’autre part la conscience culturelle du pays, mosaïque de cultures régionales unies par des chefs-d’œuvre qui lui servent de référence identitaire aussi solide qu’une colonne vertébrale, et même si celle-ci montre des faiblesses, elle tient l’ensemble debout, unique en quelque sorte.

En ce qui concerne le cadre industriel, et en nous limitant à l’industrie cinématographique, soulignons que le succès du cinéma jusqu’en 1920, avait éveillé les capitalistes. En effet, ainsi que nous l’avons signalé précédemment, la production cinématographique s’est révélée très tôt être un gain facile en ce sens qu’il ne nécessitait pas de lourds investissements tels que grosses machines et bâtiments complexes. Donc, en 1926, Stefano Pittaluga et quelques-uns des principaux producteurs se réunissent à Milan pour créer la première association nationale des industriels du cinéma. En effet, de nombreux producteurs ont été des hommes d’affaires, et souvent ils le sont restés. Ils mêlaient aisément les investissements cinématographiques à d’autres investissements comme Roncoroni et les travaux publics, les frères Scalera et de grands travaux de voieries en Lybie, etc. signalons encore que la production cinématographique était liée aussi au secteur de l’édition tels que Rizzoli. Enfin, Volpi, homme politique, gros industriel dans l’électricité et l’hôtellerie, est à l’origine de la création du Festival de Venise en 1933, tout en ayant gardé ses intérêts dans la société de production de Vittorio Mussolini, l’ACI, et il est aussi, ou enfin, à l’origine de la nomination d’Eifel Monaco en 1941 au poste de Directeur général pour la cinématographie. L’Etat fasciste a pleinement conscience de cette particularité tant économique que politique et va, dès avril 1926, créé la Fédération nationale des industriels du spectacle. Ceci va être consolidé par des structures construites par des décrets-lois qui donnent l’illusion d’une indépendance, ou d’une liberté de création, mais qui, en réalité, contrôle la production cinématographique en liant cette soi-disant aide de l’Etat à un contenu s’intégrant bien dans l’idéologie fasciste, ou du moins s’en servant de masque de fumée, comme il le sera souligné plus tard dans notre exposé. Cependant, le cinéma italien ne sera jamais nationalisé, ni mis sous tutelle, bien que Luigi Freddi, premier Directeur général pour la cinématographie, ait mis tout en œuvre pour tirer le meilleur parti de la législation existante. De fait, deux tendances se sont toujours opposées dans les milieux politiques fascistes :

  • Arriver à une espèce de nationalisation du cinéma italien, une production d’Etat suivie dans le circuit de ses salles ;
  • L’industrie du cinéma devrait être laissée à l’initiative privée, l’Etat se contentant d’aider financièrement les producteurs et de contrôler la nature des films réalisés par le canal de la censure.

Enfin, du point de vue administratif, le cinéma a d’abord dépendu de plusieurs ministères -finances, économie nationale, Corporations pour les lois d’aides, Intérieur pour la censure- dépendra en 1934 d’un organisme unique, le sous-secrétariat d’Etat pou la Presse et la Propagande.  On voit donc que la première tendance (nationalisation) a eu quelques atouts, mais la deuxième tendance, l’initiative privée, a eu elle aussi des atouts. Cependant l’une et l’autre ont été limitées, mais de ces limites a surgi la liberté de l’art, par nuances d’abord, avant d’être l’évidence. Mais voyons comment le régime a tenté de satisfaire les deux tendances citées, tout en tentant de créer non seulement un cinéma de la couleur de l’idéologie fasciste, mais aussi, à travers images et histoires, à travers producteurs et productions, un homme nouveau. Il nous faut tout d’abord voir avec soin les décrets-lois successifs qui ont tenté de créer cet homme nouveau par l’intermédiaire du cinéma. Ces décrets vont se succéder tout au long des années 30, chacun représentant un pas d’intrusion de l’Etat dans la cinématographie pour en faire un outil de propagande d’une part, d’autre part, cet outil est une tentative pédagogique, un genre d’essai de lavage de cerveau de la population et de pacification des intellectuels. Je ne sais pas s’il faut parler d’une vraie volonté de tuer la liberté créative qui fait le fondement de l’art car je doute que le cinéma fût vu, à cette époque-là, comme un art par les politiques. Voici donc la liste des décrets-lois, après ceux gérant la LUCE, dont nous avons parlé auparavant :

  1. Loi du 18/06/1932 : L’Etat accorde des subventions aux producteurs sur la base des recettes et d’un montant maximum de 10% des recettes enregistrées en Italie. Il va de soi que le système de double censure (sur scénario et sur le film fini) est à la base de l’accord possible de ces subventions. Cette loi va être abrogée l’année suivante par le suivant :
  2. Décret-loi du 5 octobre 1933 : installation d’un système de primes aux films italiens qui se signalent par leur « mérite de dignité artistique et d’exécution technique », ce qui laisse la porte ouverte aux intentions idéologiques du régime. Autrement dit, il fallait que ces critères soient validés par la commission accordant ces primes, ce qui, surtout pour celui de « dignité artistique » est particulièrement difficile à définir administrativement, surtout s’il doit aussi s’accorder à l’objectif fasciste de la venue « d’un homme nouveau. »
  3. Avant tout, il faut signaler, en 1934, la création de la Direction générale de la cinématographie, ce qui est un élément charnière de l’époque. En effet, l’idée de Freddi est de créer une cinématographie d’Etat qui fonctionnerait mieux du point de vue économique et contrôlerait mieux le point de vue idéologique. Freddi voudrait créer plutôt une usine de rêves qu’un cinéma d’Etat. Du point de vue économique, le décret-loi du 24 janvier 1935 déclare l’entrée officielle de l’Etat dans l’industrie cinématographique par la création de l’actionnariat. 1935 est l’année de la conquête de l’Ethiopie ce qui donne une surveillance massive et directe de la production cinématographique, surtout par le biais d’une nouvelle institution : la Direction générale de la cinématographie qui doit surveiller et guider toutes les activités du film italien. Cet organisme est suivi de la création de l’IRI (Institut pour la reconstruction industrielle) qui peut utiliser la LUCE. Ceci amènera la création de l’ENIC qui peut intervenir dans tous les secteurs de l’industrie cinématographique.
  4. Décret-loi du 13/06/1935 : Le sous-secrétariat d’Etat pour la Presse et la Propagande peut avancer jusqu’à un tiers du budget prévisionnel du film, ce qui sera complété par
  5. Décret-loi du 14/11/1935 : autorise la Banque nationale du travail à avoir une section autonome pour le crédit cinématographique. Ce crédit peut monter jusqu’à 60% du budget total du film. Si ceci répondait aux désirs des industriels du cinéma, cela restreignait encore plus la liberté des producteurs. Ces subventions allaient subir une transformation par le décret suivant :
  6. Décret-loi du 16/06/1938 : Une aide directe est pourvue pour les producteurs calculée sur les recettes. Il s’agit d’une prime automatique de 12, 15, 20, ou 25% selon les recettes au cours de l’exploitation du film. Si ce décret est une victoire pour les industriels, il souligne l’obligation, pour les producteurs de faire des films attirant un grand public, autrement dit, des films auxquels ils sont déjà habitués depuis le début des années 30, qui sont divertissants, lénifiants, politiquement apaisants et en harmonie avec l’objectif moral et politique du régime en place. En acceptant ces primes, es producteurs sont amenés à exercer une espèce d’autocensure, et d’adhérer, apparemment, au fascisme. Du point de vue économie nationale, le décret suivant apporte une solution :
  7. Décret-loi du 04/09/1938 : ou dit « Loi sur le Monopole » qui prévoit que les films étrangers seront achetés et distribués par l’ENIC selon des règles strictes car cette loi va aider à contrôler les sorties des devises et aussi ouvrent des possibilités aux producteurs qui ne sont plus en concurrence avec le cinéma étranger.

Ceci n’est pas toujours approuvé par les politiques, notamment par Freddi qui est toujours soucieux de la bonne tenue morale des films et qui voyait dans le cinéma américain des « films jeunes, sereins, honnêtes, divertissants, souvent d’une haute valeur éthique et d’une noble signification. » De toute façon, tous ces décrets-lois aussi restrictifs soient-ils du point de vue de la liberté artistique sont le cadre du développement industriel dans ce domaine. Développement qui va durer jusqu’en 1939 car l’industrie cinématographique a trouvé une stabilité législative permettant ce développement. Mais quels films sont produits dans un pays où, apparemment, la censure et/ ou l’autocensure dirigent les scénarios ?

Tout d’abord, soulignons que peu de films purement propagandistes ont été produits à part « Camicia nera » (1933- Forzano) et « Vecchia Guardia » (1935 – Blasetti). Les autres films sont soit du genre historique, soit des divertissements, ou en costumes. Ces films sont faits au sein de Cinecittà (inauguré le 28/04/1937) et alors les plus grands studios d’Europe. De plus, en 1935 est créé le Centre expérimental de cinématographie. Ce Centre très efficace, fut créé, au départ, avec le projet sue les futurs élèves apporteraient une contribution morale et culturelle à l’élément qualitatif de la production. Ce fut un lieu d’une grande activité théorique et pratique, encore reconnu de nos jours, comme l’écrit Laura -un directeur contemporain- « Dans ces années dominait la bataille pour revendiquer pour le film la dignité expressive et la possibilité d’être un art… » Ces réflexions théoriques s’exprimèrent dans des revues comme « Bianco e nero », « Si gira » et d’autres qui vont devenir contestataires dans ces années de fin du régime. Donc, en conclusion sur ce qui est de l’application ambiguë de la censure ménageant l’industrie tout en s’appropriant les idées créatrices, l’Etat s’est doté d’une structure suffisamment complète et diversifiée pour pouvoir produire, tourner, distribuer, exploiter ses propres films et même renouveler éventuellement les cadres par le Centre expérimental. Mais contrôler jusqu’où peut-on le faire. Nous allons voir, par une analyse des genres exploités que chaque genre a ses interstices de liberté. Quels sont les genres les plus exploités ?

  1. Le film historique est un genre favori des Italiens, déjà dans les années 1910, comme on l’a mentionné plus haut.
  2. Les films en costumes, eux aussi très prisé du public, qui ne sont pas liés très étroitement à l’histoire et qui permettent un masque bien utile.
  3. Les films d’évasion : comédies, musicaux, etc…

Si les films de propagande plus ou moins claire ne représentent que 4% de la production générale pendant le fascisme, les films historiques ou en costumes sont à la fois des films enracinant le nouveau régime dans le passé solide du pays, sans éviter, cependant, une critique de ce régime glissé, pourrais-je dire, entre les images et dialogues. Un film historique est un film dont l’intrigue se situe dans un passé plus ou moins lointain et plus ou moins caractérisé avec précision, sauf dans le cas des films inspirés de chefs-d’œuvre littéraires ou de l’histoire militaire, avec des réserves pour ce dernier cas. Enfin, soulignons que le film historique n’a pas nécessairement de liens absolus avec le contexte historique, et ceci est la porte -ou entre-baillée- vers une petite possibilité, pour le metteur en scène, d’aborder des thèmes qu’il serait délicat d’affronter au présent.

Le film en costumes, quant à lui, prend des libertés avec la période utilisée, période souvent peu définie. L’intrigue et le tissu du film sont une invention romanesque. Bien que le film historique soit, comme celui en costumes, une évasion dans le temps, c’est ce dernier cas qui s’adapte le mieux aux desiderata du régime car sa flexibilité de temps historique le lie plus aux obligations de l’Etat : présenter une société de bonnes mœurs, sans délinquance, adultères, chômage, etc. Le film en costumes relève plutôt de l’accessoire et du décoratif. Mais que ce soit l’un ou l’autre (costumes ou historiques) ces films traitent trois types d’œuvres :

  • Vie d’un personnage très célèbre (Caravaggio)
  • Des personnages dont les aventures sont liées à des événements historiques glorieux comme « 1860 »
  • Le rapport, pour les films en costumes, du récit à l’histoire n’est pas absolument nécessaire mais est plutôt décoratif.

Bien que dans une certaine mesure l’Etat ait contribué au développement somme toute impressionnant du film historique (20% au début des années quarante) ce retour au passé, pendant la guerre, ne peut plus vraiment se justifier que dans le cadre de chefs-d’œuvre. Pour des raisons bien évidentes. De plus, le film historique est coûteux, et nécessite des moyens techniques importants, peu compatibles avec l’économie de guerre. Mais d’autre part, le film historique est un élément important de la renommée du film italien, renommée qui remonte aux années 1910, donc difficile à négliger, même pour le régime fasciste. C’est pourquoi l’Etat a contribué au développement de ce genre avec, dès 1935, « Casta diva » (Gallone), « Passaporto rosso » (1936, Brignone), « Scarpe al sole » (1936, Elter), « Cavalleria » (1936, Alessandrini), « Scipione l’Africano » (1937, Gallone), « Condottieri » (1937, Trenker), et « Ettore Fieramosca » (1939, Blasetti). Pour n citer que les plus connus d’avant la guerre. Pendant la guerre des films produits pour l’aviation et la marine seront distribués, ainsi que pour l’armée de terre, mais très peu.

Dans le cas des films dits « d’évasion » nous avons toutes les comédies ou proches de ce genre. Pas de drames dans ces films. Les scénaristes font des efforts d’imagination prodigieux pour construire de gentilles mais futiles histoires de collégiennes en émoi, d’un bon mari, d’inutiles jalousies. Ces films restent cependant agréables à regarder et sont portés par d’excellents comédiens. D’autre part, ces films ont un caractère intemporel, non par ce qu’ils représentent de vérité humaine profonde, mais par le rêve qui s’installe et fait partie aussi de l’humain. Le symbole de cette égale gentillesse, beauté du quotidien, et utopie fasciste est le célèbre téléphone blanc. Ces productions n’empêchent pas l’émergence de cinéastes de talent comme Mario Camerini, qui se spécialise dans le mélodrame. Est-ce à dire que ces films d’évasion n’aient pas contribué, comme les films historiques ou en costumes, à l’émergence d’un autre cinéma tendant vers la liberté d’expression, vers la vérité de l’Italie ? Non. Et parfois aidé par le régime lui-même qui, par la bouche de Spaini, consent que le film en costumes vide, à cause du contrôle idéologique, le film moderne de sa substance. Il faut donc accepter ou d’avoir le drame dans le film moderne, ou bien d’accepter que le film en costumes soit le seul qui puisse donner une cinématographie nourrie des passions humaines. Spaini écrit ceci dans la revue  « Cinema » de décembre 1942, mais d’autres articles critiques avaient déjà paru à ce sujet relevant non seulement l’ambiguïté de la production, mais aussi mettant au jour ce que devrait être le cinéma libre. Déjà, dans le cinéma lui-même est une certaine critique de la politique du régime. Dans son film « Piccolo mondo antico » Mario Soldati exalte la guerre contre l’Autriche au 19ème siècle, critique voilée de l’alliance italo-allemande de Mussolini. En ce qui concerne la presse écrite spécialisée, des écrivains, des journalistes, des critiques n’hésitent pas à appeler de leurs vœux une autre manière de concevoir le cinéma. Leo Longanesi, pourtant plutôt fasciste, écrit dans le journal « L’italiana » en 1933 : « Nous devons réaliser des films sans artifice, tournés sans scénario, autant que possible sur le vif. Il faut se lancer sur les routes, porter le cinéma dans les rues. » L’opinion de Longanesi est en fit une anticipation de la filature de la réalité telle qu’elle sera vécue dans « Le voleur de bicyclette » de Zavattini, quinze ans plus tard. Si cette position est assez rare dans le milieu des années trente, elle est plus courante au début des années quarante dans des revues comme « Cinema », « Si gira », « Bianco e nero », et « Corrente ». Dans cette dernière, Comencini écrit, en 1938 : « Il est nécessaire que le cinéma italien retrouve la vraie vie, et pas dans les livres et les anthologies… Le plus beau film italien se déroule sur les places et dans les rues d’Italie, là où les gens parlent en groupes et décident de leurs propres affaires. » On peut donc dire que pendant les années trente, l’adhésion des cinéastes au fascisme n’a jamais été ni totale ni profonde. Rares sont les metteurs en scène qui ont donné au pouvoir des signes tangibles d’adhésion idéologique, bien que l’auto-censure ait amené une sorte de passivité vis-à-vis du fascisme que l’on peut qualifier, peut-être, de consensus. En général, le cinéma n’exaltait pas le fascisme, mais en faisait rarement la critique. C’est donc par l’intermédiaire des revues spécialisées que cette critique s’est imposée, petit à petit.

Comme nous l’avons souligné avec l’article de Comencini, des journalistes ont fait des réserves et ont fait appel à une autre manière de concevoir le cinéma. Là se trouvent les origines du néo-réalisme : définir un rapport à la réalité italienne qui ne soit pas celui des « téléphones blancs » ou des figures héroïques. Mais ces tentatives ne concernent pas que les antifascistes : en effet, dans les années trente, l’adhésion au régime n’implique pas que l’on soutienne inconditionnellement toutes les formes de créations artistiques ou tous les modes d’expression. Par conséquent, et par exemple, en Longanesi le cinéma trouve un pamphlétaire inspiré. En effet, fondateur, en 1927, de la revue anticonformiste « L’italiano », Longanesi réussit à concilier une adhésion ouverte au parti fasciste et une liberté de ton étonnante. C’est ainsi que, dès 1933, il consacre un numéro spécial de cette revue au cinéma et lance un appel d’une grande modernité, au point de faire penser le lecteur d’aujourd’hui qu’il a été rédigé en 1945. La citation tirée de cet article faite ci-dessus nous montre son audace dans ce moment de grand contrôle. En 1936 il écrit ceci :

« … réaliser un documentaire sur la vie des anonymes… la jeune fille vêtue de violet, et les deux commerçants avaient une vivacité de gestes, un langage, une certaine manière d’affronter la vie qu’aucun film n’a jamais réussi à nous montrer. » Surprendre la réalité in Cinema.

Ceci montre bien que si le néo-réalisme triomphe en 1945, il est préparé par un travail de fermentation critique et d’expérimentation dans la mise en scène commencé dès les années trente. Mais le cas de Longanesi n’est pas isolé et nombre de textes critiques annoncent les principes stylistiques du néo-réalisme durant la période fasciste, en dépit des ambiguïtés des prises de position des intellectuels. D’autres revues, plus tardives que celle de Longanesi, publie des articles de réflexion critique sur ce que le cinéma devrait être en Italie pour sortir de ces écrans aseptisés.

 Par exemple « Corrente », créée en 1938 par Ernesto Treccani, est le lieu d’affirmation de polémiques conduites par de jeunes intellectuels à l’intérieur du parti fasciste et aboutissant à une constante opération de démolition des mythes et de la rhétorique officiels. La revue dénonce courageusement les limites et les erreurs du parti au pouvoir. Mais si pendant trois ans la revue peut s’appuyer sur la collaboration de nombreux intellectuels, critiques, écrivains, peintres, sa publication est interdite en 1940. Cela, cependant ne met pas un terme aux activités du groupe et l’esprit de la revue se radicalise à partir des positions communistes représentées par Treccani et De Grada. La rubrique ‘cinéma’ était confiée à Comencini dont les textes nous permettent de nous faire une idée des réactions d’une jeunesse qui souhaitait un cinéma différent de celui répandu par le régime dans toute la péninsule. Si Comencini est un détracteur du cinéma tel qu’il est défini par le régime en place, il est aussi un intellectuel qui définit avec le courage qu’il fallait au cours de cette période les grandes lignes du renouveau de l’art cinématographique et il lance, en 1938, une très violente diatribe contre le Festival de Venise :

« Le plus beau film italien se déroule dans les places et dans les rues d’Italie, là où les gens parlent en groupes et décident de leurs propres affaires : dans les champs où ils travaillent, et dans les cafés, avec les lampes à abat-jour rose et les chaises d’osier, où ils se réunissent le soir. »

Au cours de cette même année 1938 Comencini souligne la nécessité de balayer les vieux fabricants de films et de rajeunir le cinéma. En effet, dans ce texte, Comencini développe une condamnation globale et marque clairement que le renouveau du cinéma italien passe par un bouleversement profond, un changement radical qui porterait une nouvelle génération de cinéastes derrière les caméras. Mais les inquiétudes des collaborateurs de Comencini à « Corrente » touchent aussi les journalistes de « Cinema ».

Cette revue vise un large public et pour cela elle est ouverte aux différents aspects du cinéma. Bien que dirigée par Vittorio Mussolini en octobre 1938, un débat d’idées s’y installe et s’amplifie en 1940.

En 1941, De Santis écrit un article retentissant, surtout avec le recul, qui est intitulé « Pour un paysage italien » dans lequel il se demande « Comment serait-il possible de comprendre et d’interpréter l’homme si on isole les éléments dans lesquels chaque jour il vit, avec lesquels chaque jour il communique, que ce soit les murs de sa maison, les rues de la ville, son engagement craintif, son insertion dans la nature… C’est justement du cinéma que devrait venir la préoccupation d’une authenticité, même fantastique, des gestes, du climat, en un mot des facteurs qui doivent servir à exprimer la totalité du monde dans lequel les hommes vivent… Le réalisme, comme force créatrice, est la mesure véritable et éternelle de toute expression narrative. » Ce réalisme auquel De Santis se réfère, est profondément ancré dans celui de Giovanni Verga à propos duquel il écrit, toujours en lien avec le cinéma :

« [il] n’a pas seulement écrit une grande œuvre de poésie, mais il a créé un pays, un temps, une société… il semble nous offrir en même temps le milieu le plus solide et humain, le plus miraculeusement vierge et vrai qui puisse inspirer l’imagination d’un cinéma à la recherche de choses et de faits dans un temps et dans un espace de réalité, pour se racheter des faciles suggestions d’un goût bourgeois mortifié… Les récits de Verga nous semblent indiquer les uniques exigences historiquement valables : celles d’un art révolutionnaire s’inspirant d’une humanité qui souffre et qui espère. »

A côte de De Santis, Visconti écrit un texte virulent dans lequel il dénonce le conservatisme des producteurs qu’il qualifie de vieillards complètement fermés aux jeunes et aux innovations que ces derniers pourraient apporter. Ce texte, intitulé « Cadavres » paraît dans la revue « Cinema ». En voici un extrait :

« Leur [celui des vieillards] temps est fini et eux sont restés ; et on ne sait pas pourquoi. Qu’ils acceptent donc d’être mis en vitrine et nous nous inclinerons tous tant que nous sommes. Mais comment ne pas déplorer qu’aujourd’hui encore on accorde à trop d’entre eux d’avoir en mains les cordons de la bourse et de faire la pluie et le beau temps ? Verra-t-on jamais ce jour espéré, où l’on permettra aux jeunes forces de notre cinéma de dire clairement et nettement : Les cadavres au cimetière… ?»

Que la revue « Cinema » laisse passer des articles aussi engagé pour un renouvellement du cinéma italien est encore prouvé par Michelangelo Antonioni qui publie dans cette même revue, en 1939, son article « Pour le fleuve Pò » dans lequel il exprime son désir de prise de position pour la nécessaire authenticité du cinéma : « un film dans lequel prévalent non les exigences commerciales, mais l’intelligence. »

Une autre revue sui aura un rôle important à jouer dans la critique du cinéma fasciste est celle du Centre expérimental de la cinématographie, « Bianco e nero ». En fait, la revue fait preuve de prudence et n’entre dans l’arène des critiques qu’en 1942, sous l’impulsion de Antonio Pietrangeli, assistant de Visconti pour « Ossessione ». Pietrangeli écrit, en août 1942 :

« Pour nous, aujourd’hui, il est désormais établi que l’art du film doit d’affirmer sans cesse davantage comme le moyen le plus accompli et le plus vaste d’expression artistique… l’art de masse des temps modernes… De nouvelles énergies ; de nouvelles poussées sont nécessaires et aussi des jeunes qui croient au cinéma comme à une vocation et qui ont en eux le ferment d’un monde déjà clair à exprimer, une fraîcheur et une agilité du cœur et de l’intelligence, et qui aiment en somme une réalité hors de tout stylisme conventionnel et e toute rhétorique paysagiste. »

Et à propos d’« Ossessione », dont il a été l’assistant, il écrit :

« L’engagement déclaré des réalisateurs de ce film est justement là : décrire et exprimer tout l’essentiel et seulement l’essentiel, en laissant les choses parler d’elles-mêmes et que leur signification arrive intacte à notre vision. C’est là que peut prendre naissance un renouvellement substantiel de notre cinéma, devoir que nous nous sommes assignés comme une mission. »

Enfin, il nous faut mentionner la revue « Si gira » en février 1942, dirigée par Mino Donati, Massimo Mida et Pietrangeli. Directement engagée pour le renouveau du cinéma, cette revue a comme collaborateur un intellectuel engagé, Umberto Barbaro qui écrit : « Le film italien atteindra le sommet de son art lorsqu’il saura exprimer les angoisses et les attentes, les joies et les douleurs de cette humanité-là. » à propos de Fari nelle nebbia – Franciolini.

Mais cette revue accumule un tel manque de respect pour les structures traditionnelles qu’elle est décapitée dès le numéro 5.

On constate donc que dès le début des années quarante, le débat intellectuel dans les revues de cinéma est intense et jette les principes généraux qui seront à la base du néo-réalisme. En fait, il est clair que le réalisme est la seule voie possible pour une résurrection du cinéma italien. Le courant est d’une telle force qu’en 1943 les autorités en sont persuadées : en février 1943, Polverelli lance un vibrant appel aux cinéastes avec les recommandations suivantes :

  • Hors de la conventionnalité naïve et maniérée
  • Hors d’une construction fantastique ou grotesque
  • Hors de toute froide reconstitution des faits historiques ou d’histoire romancée
  • Hors de toute forme de rhétorique, apte à présenter les Italiens comme d’une même pâte humaine.

Ceci paraît au moment où le fascisme est miné de l’intérieur : le 25 juillet 1943 Mussolini est mis en minorité et arrêté deux jours plus tard.

Trois films classiques illustrent ce changement : « Tre passi fra le nuvole » (1942 – Blasetti), « I bambini ci guardano » (1943 – De Sica) et « Ossessione » (1943- Visconti).

Par conséquent, en 1943 il est clair qu’un mouvement irréversible est en cours à travers des signes de remise en cause. Des films imposent un regard nouveau sur le cinéma italien et sur les italiens. Ces films préparent l’épanouissement du cinéma italien dont l’ampleur confirmera le travail préparatoire effectué pendant les années précédant la guerre et durant la guerre elle-même, alors que le fascisme était encore au pouvoir. En 1945, le cinéma italien était prêt à affronter l’été du néo-réalisme. La liberté était sous la censure et elle a ressurgi, vivifiant tous les arts, vivifiant l’être humain, car aucun régime ne peut éradiquer la pensée.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *