Heureux ceux qui croient sans avoir vu

Triduum 2020… François debout sur le  seuil de la basilique Saint-Pierre, la nuit tombée, la grande place vide mais résonnante des prières, chants, attentes des pèlerins invisibles qui se sont retrouvés là, durant des siècles de vie et de marche, des siècles de foi ou de presque foi, le Saint-Sacrement, le Seigneur les bénissant, nous bénissant nous les silencieux invisibles sur ce parvis immense et humide de la pluie fine et pénétrante : j’étais là-bas, avec eux, avec lui, vieil homme gigantesque par sa foi qui me faisait me relier à Dieu, j’étais là à des milliers de kilomètres, par les ondes dont je ne peux être plus sure que ma foi en Lui, le Seigneur. Je ne vois pas ces ondes qui deviennent un lien réel, pourtant je crois en leur existence prouvée matériellement par des outils, alors pourquoi ne me laisserais-je pas aller à croire en Dieu que je ne peux voir aujourd’hui, mais dont je peux voir les œuvres : la beauté du monde environnant même en temps de catastrophe car il y a toujours la couleur d’un pétale courageux à l’ombre d’un mur en ruine, la lumière d’un petit caillou effleurant la boue… Comme le disait ce géologue invité dans l’émission Présence Protestante du 5 de ce mois : « La science ne prouve pas ma foi, mais elle me conforte en elle. » Comment aurais-je pu tenir sans la foi ? Bien que je l’aie plus souvent vécue comme la Confiance profonde que tout n’était pas dans le quotidien parfois difficile, compliqué, mais plutôt dans un devenir solide, absolu dont la substance serait bien au-delà de ma personne présente. Cette certitude incertaine que la prière était un lien, un support, une main tendue à saisir.

Mais ce chemin assez indéfini a eu ses renforts de bas-côtés : ce samedi matin de novembre à Jérusalem devant un petit bâtiment assez vieux, mais certainement pas de 2000 ans, des colonnes délimitant ce que les Ecritures nomment « la chambre haute », ce prêtre partageant avec nous la Lecture de la Dernière Cène, ils étaient là : Jésus et les Apôtres. Je les voyais, l’un partageant son Corps et son Sang, eux interdits, étonnés, peut-être à peine croyants, et Jean appuyé sur le Christ, image prégnante les montrant tous là, vivants, invitant. Et ils sont restés ainsi pour moi, à chaque offertoire, comme la vue du Corps du Christ à chaque récitation du Notre Père. C’est plus qu’une vision : c’est la conviction profonde que l’une et l’autre de ces deux situations sont témoins et me convainquent. Mais il n’en demeure pas moins que je suis discrète quant à ma foi, sans pour cela avoir peur de l’affirmer quand je le trouve nécessaire, situation rare dans l’ensemble. Aussi contradictoire que cela paraisse, il me semble que c’est justement dans mes prières que ma foi me paraît la plus faible, la plus fragile : la distraction est toujours là, à l’affût, même dynamique souvent, et c’est elle qui me fait me demander : as-tu la foi ? et devant cette chambre haute de Jérusalem, je me suis interrogée : et toi aurais-tu cru que Jésus, cet homme apparemment ordinaire, était le Fils de Dieu ? était Dieu ? Oui, il leur a fallu des signes puissants pour affirmer leur foi, mais il leur a fallu leur intimité avec ces signes pour qu’ils puissent nous transmettre et nous soulever par la transmission par la Parole à travers le Temps des siècles….

Cependant, je ne sais pas si j’aurais cru en Jésus fils de Dieu si j’avais été du groupe des suivants. Le fils du charpentier… Je pense que j’aurais plutôt douté. Mais aujourd’hui j’ai la foi car comme saint Thomas, mais de différente façon, j’ai la preuve des Ecritures, preuve fondée sur la profondeur du témoignage qu’il a fallu aux Evangélistes pour les écrire… Cette profondeur mystérieuse des Ecritures est la blessure que je touche, non avec mon doigt mais avec mon esprit, c’est une blessure qui me pénètre, qui me donne la vie…

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